Figure marquante de la culture littéraire remix avec Raymond Queneau (le qualificatif est un pur anachronisme dont les auteurs en question ne se sont jamais revendiqué), l’auteure transparaît pourtant de manière très forte à travers ses œuvres. Enfin, une certaine homogénéité traverse les écrits de Acker. Du moins, ceux que j’ai lus. Les appropriations n’annihilent aucunement sa « voix », sa présence, au contraire (je le mentionnais lors d’un précédent billet). Mais elle ne semble pas en avoir conscience ou plutôt, elle n’a pas ce besoin de l’affirmer, de la justifier, de parler de sa singularité…
« Once you have a voice, you have developed a rigid SYSTEM. Your behavior becomes repetitive, predictable, and you lose your ability to sample freely from and interact with th world with all of your resources. You are predetermined just to act within social networking and performance events in one way, namely, as your predetermined voice prescribes. So it seems a paradox when I say that the most interesting artist, the most productive, creative persona, is one who has NO VOICE. (p.198)
« the environment that produces innovation
is now also the envrionment that kills creativity (p.203)
« Créativité » devient souvent un synonyme de « prétention » alors qu' »innovation » est devenue la « norme ». Être créatif est pourtant la moindre des choses que l’on peut s’offrir en tant qu’être humain, alors qu’être innovateur est un devoir académique, une pression sociale, enfin, quelque chose qui, sans la créativité à voix multiples, peut être néfaste. Les gens créatifs vivent dans l’abondance, les innovateurs vivent dans la peur constante de se faire dépasser ou dans le désir constant d’arriver premiers.
and loving every minute of it
because as I lose it
I find more connectivity
to what shapes my intuition »
M.A.
Queneau et Acker, waaah. J'adore Acker et je déteste Queneau. Je comprends tout de même ce que tu veux dire. J'y vais seulement de mon petit commentaire pour le fun. Ce n'est pas une critique de tes propos, juste un compte rendu de mes pensées qui sont dans un tout autre registre. Je comprends l'intérêt du « remix » chez Acker, mais alors que chez Queneau, le procédé est seul garant de contenu littéraire. Chez Acker, le remix est accessoire. À la limite, on pourrait ne jamais savoir qu'Acker détourne des textes et la considérer comme une grande écrivaine. C'est un procédé parmi un vaste ensemble de procédés littéraires. Acker ne travaille sur des formules mathématiques comme les oulipiens, elle a une pensée de hackers. Ses textes participent à un mouvement de libération, elle détourne des textes pour les « libérer », pour les voler. Chez Acker, ce sont les marginaux, les incompris, les déchets de la société, ceux qui n'ont pas de voix qui se réapproprient par le « remix » des discours plus puissants, que ce soit un détournement de Don Quichotte ou de Godzilla. Le geste politique est tellement important dans tous ses détournements. Alors qu'il en est rien pour Queneau qui se joue de la littérature sans gravité pour impressionner ses petits amis… (« Pour impressionner ses petits amis », c'est l'insulte suprême dans mon échelle d'insultes).
Amélie
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Oui, c'est intéressant! Nuance hyper importante. En fait, les deux sont présentées comme des figures de la culture remix littéraire (je parle institutionnellement, dans le séminaire que j'ai eu, ce n'est pas moi qui avancerait ça de ma propre personne, aÏe, je ne connais pas assez), mais en fait, pour des raisons bien différentes que je n'aurais pu formuler aussi bien que toi. Nous avons eu, par exemple, à faire des exercices de remix à la Raymond Queneau (Mark appelait ça « processuelle ») et d'autres à la Acker (l'idée de hacking et de embodying, très important pour la culture remix aussi). Ça n'a rien à voir, my god, tu as raison, mais Mark fait un seul lien, l'idée de « remix ». Prendre un texte et en faire une version ou incarner plusieurs textes pour raconter autre chose. Ce sont là deux « métho » remix. C'est très réducteur pour les auteurs, mais inspirant pour les « remixologistes ». Pour les arts visuels et la musique, ce sont d'autres références dont les figures dominantes sont les DJ et les VJ.
Il faut dire que la remix culture a été théorisée par Lessig d'abord pour des enjeux de droit et des enjeux économiques. (je vais expliquer à ma conf) C'est véritablement Amerika, Spooky et mettons Shield qui travaillent sur l'aspect de « création » remix en tant que tel…C'est encore très peu défini…Et souvent réducteur (un genre de cliché post-moderne). Il me à voir ce que l'histoire de l'art peut faire avec ça, moi ça me donne plein d'idées 😀
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« ses textes participent à un mouvement de libération, elle détourne des textes pour les « libérer », pour les voler. Chez Acker, ce sont les marginaux, les incompris, les déchets de la société, ceux qui n'ont pas de voix qui se réapproprient par le « remix » des discours plus puissants, que ce soit un détournement de Don Quichotte ou de Godzilla. »
C'est là la définition de la Remix Culture que donnerait Craig Baldwin appliqué au cinéma! (other cinema)!!!
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