*Toutes les images ont été prises sur la page Facebook de l’événement
C’est avec un thème tiré d’un poème d’Arthur Rimbaud que le Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul célébrait son trentième anniversaire. Serge Murphy a succédé à Stephan St-Laurent pour relever à son tour le défi d’un commissariat qui ne peut s’articuler sur des œuvres préexistantes. Le résultat final est imprévisible, car entièrement tributaire du processus créateur des artistes invités. Comme la coutume le veut, leur atelier était précieusement livré aux spectateurs durant tout le mois d’août, dans l’aréna de la place!
…j’écrivais des silences, des nuits
je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges.
Le vertige : une oscillation. La rencontre insoutenable du désir et de la peur. On l’immobilise aussi aisément qu’on maîtrise un animal sauvage dans une cage. Et l’expérience demeure vertigineuse.
What if?
Et si la cage cédait?
Que deviendrions-nous, les spectateurs?
Les livres
Fixer un vertige, c’est surtout en laisser la trace. Pour trois artistes invités, le livre s’est imposé comme une véritable empreinte d’un travail vertigineux.
Marc-Antoine K. Phaneuf a épluché des centaines de romans Harlequin à la recherche de liens entre les pages des différents livres. Les numéros de page se succèdent et les débuts et fins de page s’harmonisent pour former un tout nouveau roman. On réalise rapidement le véritable travail de moine que dissimule en partie l’aspect ludique du projet. Devant la masse de romans Harlequin que l’artiste a cloués au mur de son atelier temporaire, on est à la fois irrémédiablement attiré par les couvertures loufoques et étourdi par leur nombre :
-Les as-tu tous lus?
-Je ne réponds plus.
Un projet vraiment réussi dont le résultat aussi vertigineux que son processus pourra se retrouver prochainement dans notre bibliothèque personnelle!
Pour Louise Viger, le livre n’était pas d’abord prévu dans l’articulation du projet. L’artiste qui travaillait sur la notion d’effacement a sculpté des effaces. Méconnaissables, celles-ci se sont transformés en insectes volatiles. Une installation révèle des sortes de papillons si fragiles que le simple passage du visiteur peut les faire tomber. Au mur : une camisole de force. Du moins, sa représentation. Une autre forme d’effacement. Tenter de contenir les mouvements physiques d’un fou, c’est du même coup augmenter ses turbulences intérieures. Les œuvres sont intenses, appellent le commentaire. L’artiste a décidé de recueillir, sur de grands papiers fixés au mur, les témoignages de ses visiteurs. Ceux-ci seront réunis dans un livre.

Arnaud Vasseux a créé un multitude d’œuvre durant son séjour. Plâtre coulé dans des empreintes de pieds sur les rives de Baie-Saint-Paul, cylindre aux parois qui menacent sans relâche de s’effondrer, mince mur de plâtre animé par la lumière ambiante : autant d’oeuvres fragiles qu’il ne pourra pas ramener chez lui, à Marseille. Sa démarche expérimentale et entièrement liée au lieu géographique dans lequel l’artiste se trouve, ne peut que créer de l’éphémère. Le livre s’est alors imposé comme la trace de toutes les expérimentations effondrées mises en œuvre durant le mois.
Les abstractions
Je suis toujours étonnée de voir combien les œuvres abstraites reposent sur un équilibre délicat. En ce sens, la place qu’on a faite à cette forme d’art lors de ce Symposium m’apparait nécessaire. L’art abstrait est, pour moi, avant tout une expérience qui repose sur le rythme des compositions. Je vous laisse donc expérimenter sans trop de commentaires les vertiges (dans l’ordre) de Jean-François Lauda et Nazafarin Lofti (Cliquer sur les images pour agrandir).
Les univers
Le vertige, lorsqu’il nous submerge, engendre un univers mental qui devient en quelque sorte notre demeure. Et si l’on inversait le processus et que le lieu devenait source du vertige, à quoi ressemblerait ce lieu?
Lorsque je suis entrée dans l’atelier de Carole Baillargeon, j’avais envie de manger du sucre, de courir partout et de sourire démesurément aux autres visiteurs. Les structures de fils, des réseaux de boutons et de perles, submergent le spectateur comme pour le séduire. Un attrait qui se transforme rapidement en une incapacité à se concentrer sur un aspect ou un autre de l’œuvre. Apprécier le trop-plein et les couleurs qui emplissent l’atelier de l’artiste, c’est accepter d’être désorienté, comme un enfant au beau milieu d’une confiserie!

L’espace atelier de Jim Holyoak s’est quant en lui transformé en une sorte de caverne. Des dessins à l’encre noire pendent de partout à l’intérieur et à l’extérieur de la structure architecturale. L’immense talent du dessinateur se perd dans l’abondance des dessins qui deviennent ici les morceaux éparses, pour ne pas dire les lambeaux, d’une demeure lugubre et fragile. Le cœur : une petite table de travail pour l’artiste qui, soit dit en passant, était déguisé en bibitte pour l’occasion. On y entre, comme on entre dans un racoin encore inconnu de notre imaginaire.
Les rubans gommés
Avec ses faux morceaux de « tape » faits d’acrylique, Tammi Campbell fait plus que déjouer notre perception, elle dévoile en même temps l’acte de fabrication du tableau. Qui n’a pas appris, dans ses premiers cours d’art, à disposer soigneusement un ruban à masquer sur un papier pour créer une sorte de fenêtre? C’est dans cette même fenêtre que l’œuvre pourra émerger. Les rubans à masquer seront alors retirés. Mais ici, on contemple simplement les fenêtres. Dans un va-et-vient constant de la perception et de la conscience, les rubans de Campbell sont à la fois les amorces d’une œuvre picturale et l’achèvement par excellence de la représentation, c’est-à-dire, comme l’écrivait Pline : le trompe-l’oeil réussi.

Jonathan Plante utilise également le ruban gommé. Cette fois-ci, c’est le ruban transparent dans toute sa splendeur et sa brillance qui est utilisé pour engendrer un film d’animation mettant en scène une forme humaine. L’œil du spectateur ne peut observer ce corps en mouvement sans voir l’espace qui le traverse. La transparence du matériau, dont on peut entendre les sons (scraaaatch) sur la trame sonore, génère une oscillation entre la visibilité du volume et sa disparation dans l’espace de l’atelier. Dans ce jeu vertigineux où la lumière joue un rôle de premier plan, l’œuvre déjoue un regard qui cherche instinctivement à dissocier le corps de l’espace auquel il participe.
Les lieux affectifs
Le lien que nous entretenons avec notre environnement comporte toujours un fort aspect affectif. Parfois, la relation entre l’aspect rationnel qui nous permet de décrire ce lieu et l’intimité qui nous lie à celui-ci se confrontent dans un duel infernal. Il en résulte une oscillation perpétuelle : un vertige. Tessa Mars cherche, par ses peintures naïves et colorées, à traduire ses propres mémoires de Port-au Prince. Poser sur les murs d’un atelier dans l’aréna de Baie-Saint-Paul, les tableaux agissent comme des témoignages ou encore, comme des possibles manières de s’approprier l’espace public de cette ville qui habite l’artiste.

Étienne Tremblay-Tardif s’est quant à lui penché sur un événement de l’actualité de Baie-Saint-Paul, soit la possible démolition de l’hôpital de la municipalité. Soucieux de voir disparaître, avec l’anéantissement du vieil hôpital, un grand pan de l’histoire de Baie-Saint-Paul, son œuvre rhizomatique regroupe plusieurs propositions pour un hôpital alternatif qui intégrerait, à même les structures architecturales, l’histoire de l’hôpital démoli. Moins réalistes qu’affectives, ces structures permettraient de rendre hommage, entre autre, à ce que l’artiste appelle les « désinstitutionnalisés ». Ce sont ces gens qui, à l’ère de Duplessis, avait été confiés sans véritables motifs aux soins psychiatriques de l’hôpital en question.
Le mouton noir
À chaque symposium, son mouton noir. C’est rarement celui qui essaie de l’être qui finit par être couronné de ce titre. Yvon Gallant peint sur des tissus, tels que le lin et la ratine, des souvenirs ou encore des désirs non assouvis. « J’ai toujours rêvé d’inventer un fromage », dit-il. Inventer des publicités avec des noms de fromages fictifs, c’est bien ce qu’il a fait, avec sa peinture sur des débarbouillettes. Son monde affectif est parfois drôle, autrefois fort troublant, comme cette œuvre peinte sur un morceau de lin, dans laquelle on retrouve un homme vers lequel se dirigent des centaines d’aiguilles. « C’est moi, j’ai le diabète, ceci représente environ la quantité de fois que je dois me piquer en une année ». Les aiguilles forment en même temps des ailes, une métaphore de la grande liberté qui l’habite pour l’ensemble de sa création.

Pour terminer, je voudrais souligner l’ouverture d’esprit du commissaire. Celle-ci est lisible par la grande diversité des approches et médiums choisis pour travailler sur le thème. Le Symposium est avant tout une expérience. C’est un événement où l’on nous offre la possibilité de ne pas tourner les talons trop vite à une œuvre, à une pratique ou à une forme d’art. C’est le temps, ô combien précieux, de poser de questions. Ce contact avec les artistes, avec leur atelier, est tellement rare. Le symposium est surtout un dialogue qui me permet de continuer de développer cet immense respect que je porte aux processus créateurs, quel qu’en soit le résultat!
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Publié par Paule Mackrous
Après un parcours universitaire en histoire de l’art (BAC, Maitrise) et en sémiologie (Phd), j’ai fait un petit virage en horticulture (DEP, ASP) et en foresterie urbaine (arboricultrice certifiée ISA et études de deuxième cycle en agroforesterie), un domaine dans lequel j’œuvre avec beaucoup d’enthousiasme aujourd’hui! Je poursuis mon travail d’historienne de l’art et de sémioticienne par l’écriture et la recherche, surtout durant la saison hivernale, lorsque la lumière s’amenuise, que le sol gèle et que les plantes dorment. Sur mon blogue, je publie des textes de réflexion sur l’art, la nature et la foresterie selon les lectures du moment, les lieux visités, les œuvres rencontrées.
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J'aime beaucoup ce que tu écris à propos du processus créatif. Peu de gens s'en soucie véritablement (je suis artiste).
Je ne suis jamais allée voir cet événement, mais j'ai lu ton texte avec grand plaisir. Je suis maintenant vraiment curieuse d'y assister la prochaine fois (c'est à chaque année?)
Merci.
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Merci beaucoup Sophie pour ton commentaire…
Oui, c'est à chaque année! À ne pas manquer! 🙂
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Ici Pierrot, vagabond céleste
des routes et des mots
bravo pour ce magnifique hommage
à la beauté du monde qu'est
BAIE ST-PAUL par un poème de Rimbaud
inspirant un symposium:))))
Dans le cadre de mon vagabondage poétique
blogues-musée pertinents mais aléatoires
pour mon oeuvre littéraire
pertinente mais alléatoire
puis-je vous offrir
une de mes chansons
écrite sur la beauté du monde
DANS LA BEAUTE DU MONDE
dans la beauté du monde
dans la beauté du monde
je marcherai
deux âmes sioux m’inondent
deux âmes sioux m’inondent
dans votre beauté du monde
France et Jean-René
je marcherai
suis devenu
un arbre qui marche
parce qu’il relève ses racines
un doux vieillard
qui le soir délasse ses bottines
une belle jeune fille
qui r’trousse sa jupe
parce qu’elle dessine
le bout d’ses doigts
dans la rivière
dejà fini
l’été d’hier
reste le canot de Jean-René
les fruits de France et sa bonté
sur leur galerie
de Notre-Dame de Montaubant
je me prépare pour l’hiver
tel un enfant
car mes deux ames sioux
ont fait de moi
un arbre-fou
comme le canot de Jean-René
sur la rivière Batiscan
comme les fruits de sa belle France
de Notre-Dame de Montauban
je traverserai
l’éternité
en marchant
la neige et le vent
Pierrot
vagabond céleste
http://www.enracontantpierrot.blogspot.com
http://www.reveursequitables.com
http://www.demers.qc.ca
chansons de pierrot
paroles et musique
sur google,
Simon Gauthier, conteur, video, vagabond celeste
DES NOUVELLES
DU CONTEUR INTERNATIONAL
SIMON GAUTHIER
ET DE SON SPECTACLE
LE VAGABOND CELESTE
PRESENTÉ
EN EUROPE
courriel du
1ER MARS 2013
Allo Pierrot, je suis en France.
Je rentre demain au Québec.
Il fait froid et humide partout, même dans les lieux publics.
Il fait gris et un brin de soleil redonnerait du tonus à tout le monde!
Je voulais te dire que j'ai raconté (ou plutôt) le vagabond céleste est
passé et a été entendu
à Quévin (près de LOrient en Bretagne)
Il a été entendu à la prison de Béthune (Nord de la France) et pas un
prisonnier ne s'est levé durant le spectacle (comme il est de coutume) les
gardiens mon dit que c'est la première fois qu'ils voyaient ca!)
et le Vagabond à passé à Lille avec son et éclairage, 3 rappels!
Les gens sont restés longtemps
et plusieurs larmes d'espoir brillaient dans le noir.
Plusieurs messages me sont parvenus pour te dire merci!
Merci!
Merci!
++++
Autrement la tournée me rentre dans le corps. Un bon brin de fatigue et de
grippe à la gorge.
De bonnes tisanes et des amis pour guérir
+
+++
J'espère que tu vas bien et que ton travail de vulgarisateur âme, société,
gens et pays oeuvre d'art
va bien!
On se voit sous-peu
en mars, si la vie le veut!
pour aller plus loin!
Bonne journée
Simon :+)
—–
REPONSE DE PIERROT
A SIMON GAUTHIER
CONTEUR INTERNATIONAL DU QUEBEC
Cher Simon
Je te prédis un succès international
parce que tu es un poète-passeur:)))
Bravo Simon
longue vie à ta vie d'artiste
et de conteur international
Pierrot
vagabond des mots
p.s.
Simon Gauthier
livrera son spectacle
LE VAGABOND CELESTE
dans le cadre du festival
les conteries de Charlevoix,
Baie St-Paul
samedi 16 mars 2013
carrefour culture Paul-Médéric
4 rue Ambroise Fafard
merci:)))
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